Salinisation des sols et plantes
1.1. Phénomène de salinisation et impact environnemental
Dans le monde, les terres salines recouvrent 260 millions d’hectares (Cherlet et al. 2018). La salinisation des sols a deux origines, tout d’abord un phénomène naturel issu de la dégradation des sols ou de leur érosion, altérant ainsi les minéraux et nommée « salinisation primaire » (IPBES Secretariat 2018; Daliakopoulos et al. 2016). Elle peut également être d’origine anthropique et ainsi provenir de mauvaises pratiques agricoles telles qu’un excès d’irrigation entrainant ainsi une accumulation d’eau souterraine peu profonde : il s’agit de la « salinisation secondaire ». Ces phénomènes de salinisation sont principalement observés dans les zones semi arides voir arides du monde avec peu de précipitations et des températures élevées. Ces environnements favorisent l’évaporation et l’évapotranspiration, accumulant ainsi les sels présents dans l’eau y compris sodiques (Hasegawa 2013; Shrivastava and Kumar 2015).
Les régions les plus touchées sont l’Amérique du nord, l’Asie centrale, l’Afrique du nord et de l’ouest et l’Australie (Ivushkin et al. 2019). La salinisation des sols est en augmentation ( plus de 100 Mha entre 1986 et 2016) et semble se poursuivre avec le changement climatique due à l’augmentation des températures (Cherlet et al. 2018; Daliakopoulos et al. 2016; Ivushkin et al. 2019). Les sols salins perturbent les cycles de nutriments et les flux globaux. Ils entrainent la diminution du stockage du carbone dans les sols, aggravant de par le fait le changement climatique (accumulation de CO2 dans l’atmosphère). Le sel est alors considéré comme un polluant des sols (Rodríguez Eugenio, McLaughlin, and Pennock 2018; Cherlet et al. 2018).
La salinisation peut réduire de 30% le rendement d’une terre exploitée et impacter considérablement les possibilités de cultures. Il existe alors des cultures alternatives de plantes résistantes au sel qui se développent de plus en plus telle que le Chenopodium quinoa.
1.2. Impact de la salinisation des sols sur le développement des plantes
L’accumulation des ions Na+ et Cl– dans les sols auparavant propices à la croissance des plantes les plus communes transforme ces sols en terres marginales impropres à la culture et à la croissance des plantes d’intérêt agronomique. En effet, le Na+ est un ion qui, en excès, devient toxique pour un grand nombre de plantes et empêche leur développement (Wahid and Ghazanfar 2006; Wu 2018). Les plantes déjà en place subissent alors différents stress physiologiques qui vont réduire leur développement et peut les amener à la mort lorsqu’elles ne sont pas tolérantes au sel. En 2014, la perte financière globale causée par la salinisation des zones irriguées était estimée à 27,3 milliards de dollars.
En Europe, les principales cultures de blé, seigle, triticale et orge sont considérées tolérantes au sel, c’est-à-dire capable de se développer dans des sols présentant une conductivité >3 dS.m-1 (équivalent à une concentration en NaCl d’ environ 2,4 mM alors que l’eau de mer, à 6 S.m-1,correspond à une salinité d’environ 500mM NaCl) contrairement au maïs (Daliakopoulos et al. 2016). Cependant, la tolérance au sel de ces plantes cultivées reste limitée face aux concentrations observées dans les terres salinisées (présentant des conductivités de 4 à 16 dS.m-1 équivalentes à des concentrations en NaCl de 30 à 127 mM, (Figure 2), Ivushkin et al, 2019). Le coton qui a une importance économique en Grèce et en Espagne est considéré comme tolérant alors que l’olivier et la vigne sont considérés comme modérément tolérants (2-3 dS.m-1). Les arbres fruitiers et les cultures maraichères sont en général plus sensibles à la présence de sel dans le sol (Daliakopoulos et al. 2016). La tolérance est également dépendante des cultivars comme l’illustre la figure 4 présentant les effets du sel sur 3 cultivars d’orge après 40 jours.
La présence naturelle de sel dans le sol dans certaines régions du globe tel que les littoraux, les rives de lacs salés, les polders ou les prés salés a conduit à l’adaptation des plantes locales. Ce sont des plantes dîtes halophiles ou halophytes.
L’utilisation des plantes halophiles en alimentation existe depuis toujours mais les études sur les halophytes en tant que plantes de grandes cultures s’est développée dans la deuxième moitié du 20e siècle. Dans un premier temps pour la re-végétalisation, la remédiation de sols pollués, la floriculture ou en tant que biofiltres pour l’aquaculture (Panta et al. 2014). A ce jour, la culture du quinoa pour l’alimentation humaine a été multiplié par 25 en 10 ans. La culture de plantes fourragères halophiles se développe également et, par exemple, atteint 22 t de matière sèche /ha pour l’Atriplex lentiformis irrigué avec une eau salée (3,5 dS/m) (Panta et al. 2014). Il est également possible de récolter les halophytes pour leurs graines oléagineuses et leur contenu en protéine. Entre autres, Salicornia bigelovii contient 28% d’huile et 31 % de protéines avec un rendement de 2000 kg/ha (Panta et al. 2014).